Quand on se plaint de désordres pour les travaux du voisin... !
Pour l’action en indemnisation...
Le contexte. À l’occasion d’un chantier de travaux, des travaux peuvent être à l’origine de désordres occasionnés à des propriétés voisines. Dans ce cas, un propriétaire (voisin) concerné dispose d’un recours en indemnisation de ses préjudices, sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage, à l’encontre du maître d’ouvrage (MO) des travaux, mais aussi du maître d’œuvre et/ou des entrepreneurs concernés (et leurs assureurs).
La décision. Par un arrêt de principe, la Cour de cassation vient d’apporter deux précisions sur le régime juridique de l’action qui peut ainsi être exercée (Cass. 3e civ. 16.01.2020 n° 16-24352) .
Pour la prescription applicable...
À l’égard des constructeurs... Un texte créé en 2008, l’article 1792-4-3 du Code civil, précise qu’en dehors des actions spécifiques au titre des garanties légales, telle que la garantie décennale, les « actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux » . Sont notamment considérés, comme constructeurs, tout architecte, entrepreneur ou technicien lié au MO par un contrat d’entreprise (C. civ. art. 1792-1) .
Pour la prescription décennale... Certains ont soutenu que les actions en responsabilité à l’encontre de constructeurs, exercées par des tiers tels que des voisins, se prescrivent par dix ans à compter de la date de réception des travaux concernés.
C’est non ! La Cour de cassation juge que l’action prévue par l’article 1792-4-3 du Code civil « n’est pas ouverte aux tiers à une opération de construction, agissant sur le fondement d’un trouble du voisinage » . En effet, l’action est « réservée » au MO. Il vient d’en être jugé de même pour l’action spécifique, prévue par l’article 1792-4-2 du Code civil, à l’égard des sous-traitants : l’action est réservée au MO et « n’est pas ouverte aux tiers à l’opération de construire »(Cass. 3e civ. 16.01.2020 n° 18-21.895) .
En pratique. Le délai de la prescription du recours du tiers (voisin), et son point de départ, ne relèvent donc pas de l’article 1792-4-3 du Code civil (ou de l’article 1792-4-2, à l’égard de sous-traitants).
À noter. Il en va de même concernant des recours entre constructeurs (Cass. 3e civ. 16.01.2020 n° 18-25.915) .
Des règles du jeu fixées...
Régime applicable. Pour la Cour de cassation, l’action « en responsabilité fondée sur un trouble anormal du voisinage constitue, non une action réelle immobilière, mais une action en responsabilité civile extra-contractuelle ». Cette action est régie par les articles 1240 et suivants du Code civil.
Prescription. L’action est (désormais) soumise à une prescription de cinq ans (C. civ. art. 2224) . Le délai de cinq ans court à compter du jour où la personne qui se plaint « a connu ou aurait dû connaître les faits » lui permettant d’exercer son action. En l’absence d’acte interruptif ou suspensif de prescription, l’action est prescrite (irrecevable) passé le délai de cinq ans. Une demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription (Cass. 2e civ. 06.02.2020 n° 18-17.868) . Au vu de l’arrêt du 16.01.2020, en cas de désordres évolutifs, le point de départ du délai est la date à laquelle les désordres se stabilisent. En cas de préjudice corporel, un délai de dix ans est à prendre en compte (C. civ. art. 2226) .
Conseil. À notre avis, ces règles s’appliquent pour le recours d’un locataire contre des constructeurs, au titre de désordres liés à des travaux réalisés par un bailleur (bail d’habitation, bail commercial, ...).
Mettant fin aux discussions, la Cour de cassation juge que l’action prévue par l’article 1792-4-3 du Code civil à l’égard des constructeurs n’est pas ouverte aux tiers. La prescription quinquennale de droit commun (C. civ. art. 2224) s’applique pour l’action d’un tiers fondée sur un trouble de voisinage.
Source : alertes et conseils